HistoIRE

En 1956, Cologne est une ville en pleine reconstruction. Les cicatrices de la Seconde Guerre mondiale ne sont pas refermées que déjà l’Europe recommence à se diviser, Est contre Ouest. Comment, face à l’ampleur des dégâts causés par les guerres et les idéologies, faire renaître chez les jeunes la confiance dans l’avenir ? Comment sauver ce grand héritage européen, enseveli sous les décombres ? Comment le remettre dans les mains d‘une jeunesse en quête de racines et d‘avenir ?

Préoccupée par ces questions, une trentaine de jeunes se réunit à Cologne. Parmi eux, il y a des catholiques, des protestants et un orthodoxe. Ils sont conscients du fait que le refus de Dieu de la part des nations européennes modernes, l‘idolâtrie de la race et de la nationalité, la tendance à subordonner la foi aux intérêts de la nation, à la volonté générale ou à la raison d‘Etat, ont mené aux pires folies et à la division de l‘Europe. Le sens du bien commun a été perdu. Pour eux, il est urgent de remettre Dieu au centre d’un projet européen. Ils créent dans ce but la Fédération du Scoutisme Européen (FSE), une fraternité internationale dont le but essentiel est de former des jeunes par la pratique du scoutisme, pensé par Baden-Powell, sur des bases chrétiennes et dans un cadre européen.

Leur vision ? Une véritable fraternité européenne.

Pendant les décennies suivantes, le scoutisme européen se répand d’abord en Europe de l’Ouest pour ensuite prendre pied dans les pays de l’Est après la chute du mur de Berlin. Au début du XXIème siècle, une union-sœur est créée sur le continent de l’Amérique du Nord sous le nom de Federation of North American Explorers (FNE).

Dates clé

1956

Création des Guides et Scouts d’Europe en Allemagne sous le nom de « Fédération du Scoutisme Européen (FSE) ». Plus tard, la FSE devient l’« Union Internationale des Guides et Scouts d’Europe – Fédération du Scoutisme Européen (UIGSE-FSE) ».

1975

500 chefs, routiers et guides-aînées de notre Fédération se rendent en pèlerinage à Rome pour l’Année Sainte. Le Pape Paul VI s’exprime publiquement au cours d’une audience générale sur la place Saint-Pierre, en affirmant : “ Guides et Scouts d’Europe, sachez que vous serez toujours des amis pour nous. Nous avons une grande confiance dans votre présence, dans votre travail, et dans l’esprit scout. Soyez Bénis ! Rapportez, avec le souvenir du jubilé auquel vous avez participé, le sens de la fermeté et de la fidélité au Christ et à son enseignement”.

1980

En tant qu’organisation internationale non-gouvernementale, l’Union est dotée du statut consultatif au Conseil de l’Europe à Strasbourg. Ce statut devient participatif en 2003, signe d’appréciation du rôle de la société civile au sein du Conseil de l’Europe.

1984

5000 Guides et Scouts d’Europe se rencontrent en France pour le premier grand rassemblement international. Cet « Eurojam » est destiné aux jeunes de 12 à 17 ans.

1994

Deuxième Eurojam en Italie. Le Pape Saint Jean-Paul II reçoit 7500 Guides et Scouts d’Europe dans la basilique Saint-Pierre pour une audience privée.

2003

Troisième Eurojam en Pologne. Les 9000 jeunes réunis finissent l’événement par un pèlerinage à Czestochowa. Une plaquette commémorative est attachée à l’entrée de la basilique où elle reste visible jusqu’à ce jour.

2003

L’Union Internationale des Guides et Scouts d’Europe est reconnue par le Saint-Siège comme association privée internationale de fidèles de droit pontifical. La reconnaissance provisoire est confirmée en 2008 et désormais permanente.

2007

Premier Euromoot en Slovaquie et Pologne : L’événement est clôturé par un pèlerinage nocturne des quelque 2500 participants à Czestochowa. L’Euromoot est destiné à des jeunes à partir de 17 ans.

2011

Journées mondiales de la jeunesse à Madrid (Espagne). Les Scouts d’Europe était l’une des principales associations bénévoles de l’organisation des JMJ avec la participation de 1 300 routiers et guides-aînées de 15 pays.

2014

Quatrième Eurojam en France avec 13000 participants. Comme point culminant, les reliques de Sainte Thérèse de l’Enfant Jésus visitent la « ville dans les bois de Normandie ».

2016

Journées Mondiales de la Jeunesse à Cracovie (Pologne) : 1500 routiers et guides-aînées de 15 pays s’engagent comme bénévoles au service de l’Eglise universelle et des jeunes venus des quatre coins du monde. Les Guides et Scouts d’Europe représentent un tiers des volontaires non-polonais.

2016

L’Union fête son 60e anniversaire avec « Scouteurop’Tour ». A la fin de cet événement qui dure un an, cent guides et scouts de 15 à 16 ans se rassemblent à Bruxelles.

2019

Second Euromoot en Italie, avec 5000 participants de 21 pays, qui se rencontrent, échangent et convergent progressivement vers Rome où ils sont reçus en audience privée par le Pape François.

Pour aller plus loin…

Le scoutisme est né en Angleterre dans les premières années du vingtième siècle, créé par Lord Baden-Powell. Très rapidement, le mouvement scout franchit les frontières de l’Empire britannique, pour lequel il avait été conçu à l’origine, et s’étendit dans le monde entier. Il atteint des pays de vieille tradition catholique où, à côté d’initiatives scoutes de type non confessionnel ou multiconfessionnel, des initiatives scoutes catholiques officielles apparurent. Ce fut le cas notamment en Belgique, en Italie et en France.

Nous pouvons considérer que le père Jacques Sevin (français), le professeur Jean Corbisier (belge), le comte Mario di Carpegna (italien) sont les fondateurs du scoutisme catholique. Ils ont respectivement promu les associations catholiques des « Scouts de France », des « Scouts belges de Baden Powell », de « L’association des scouts catholiques italiens » (ASCI). De leur engagement, le « Bureau international des scouts catholiques » était également né. Son but était de constituer un point de référence pour tous les éclaireurs catholiques.

Sevin, Corbisier et Carpegna ont réussi à adapter au contexte latin et catholique de leurs pays, sans la modifier, une méthode pédagogique née dans un contexte anglo-saxon et anglican. Baden Powell a déclaré : « Notre programme a quatre objectifs : l’éducation du caractère, la capacité manuelle, la santé physique et le service des autres ». Les fondateurs du scoutisme catholique ont ajouté un cinquième objectif : « la formation chrétienne ».

Néanmoins, leurs tentatives pour parvenir à une entente plus étroite et à une fraternité entre tous les éclaireurs catholiques se sont heurtées aux événements de l’époque et à l’apparition de régimes autoritaires et de dictatures interdisant le scoutisme ou limitant considérablement sa liberté d’action.

Des années plus tard, après la Seconde Guerre mondiale, alors que l’on essayait de construire de nouvelles initiatives éducatives populaires, de nouveaux éducateurs reviennent aux propositions des fondateurs du scoutisme catholique.

Le 1er novembre 1956 à Cologne, en Allemagne, une cinquantaine de jeunes chefs allemands et français se rencontrent ; ils sont catholiques, protestants et orthodoxes. Leur rencontre donne naissance à la « Fédération du Scoutisme Européen » .

Après trois jours de débat, un document en dix articles est rédigé : les lois fédérales. Le premier article dit : « La Fédération du Scoutisme européen est fondée. C’est une association scoute internationale composée de sections nationales. Son but est de pratiquer le scoutisme de Baden-Powell dans le contexte européen et les bases chrétiennes incluses dans l’idée de l’Europe unie. »

En tant qu’emblème officiel de toutes les associations, la Fédération adopte une croix de Malte avec huit pointes et une fleur de lis dorée. Ce choix n’a pas été fait par hasard : c’était le jour de la Toussaint, lorsque l’Église proclamait solennellement les huit béatitudes au monde entier. Pour la FSE, ces béatitudes sont précisément symbolisées par les huit pointes de son emblème.

À partir du 1er novembre 1956 est créé un rendez-vous annuel, qu’on appelle le Conseil fédéral, et qui dure encore de nos jours. Lors du Conseil fédéral de l’année suivante, un deuxième texte est rédigé. Il s’intitule : « Le directoire religieux ». Il développe le premier article des lois fédérales et fixe les règles de la vie religieuse dans les unités. Le Directoire religieux de 1957 indique dans son premier article : « L’organisation appelée Fédération du Scoutisme Européen reconnaît toute la valeur de la foi chrétienne. Elle agit et prend des décisions selon les règles de cette foi ».

Avec un extraordinaire sens du symbolisme, les jeunes chefs réunis à Cologne choisirent un insigne à porter sur le cœur qui résumait tout leur idéal. L’insigne de tous les scouts du monde est la fleur de lys, choisie par Baden-Powell parce qu’elle indiquait le nord sur les anciennes boussoles et sur les anciennes cartes marines.

Par ce symbole, Baden-Powell a voulu indiquer clairement son intention de former des caractères, c’est-à-dire des hommes et des femmes capables de tracer leur route et de maintenir le cap de leur vie, indépendamment des changements du contexte social et psychologique autour d’eux.

Mais pour les jeunes réunis à Cologne, l’étoile polaire indiquée par la fleur de lys de la boussole était le Christ, mort sur une croix et ressuscité pour le salut de tous les hommes. Cette croix, rouge du sang du Christ, comporte huit pointes qui symbolisent les huit Béatitudes du Sermon sur la Montagne, programme de vie passionnant pour celui qui veut suivre le Christ.

C’est le Commissaire Général allemand, Karl Schmitz Moormann, à Paris en 1957 pour une période d’études, qui demanda à Pierre Joubert, le fameux dessinateur scout et grand expert en héraldique, de dessiner le graphique de l’insigne. 

Pour des raisons d’esthétique, Joubert a cherché une croix suffisamment épaisse au centre pour y inclure le lys d’or et son choix s’est arrêté sur la croix à huit pointes de l’abbaye cistercienne de Morimond, qui est devenue plus tard la croix des chevaliers hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalem.

Un texte de présentation du mouvement, rédigé fin 1959, permet de mieux comprendre l’esprit de ces jeunes :

« Des garçons et des filles se sont dit qu’il était impossible qu’on recommence tous les 20 ans à se dresser les uns contre les autres et que des millions d’orphelins attendent leur tour de partir pour une nouvelle guerre…
Parce qu’en face des villes rasées, des enfants brûlés par le napalm, de ceux qui n’ont plus qu’une jambe et avancent, claudicant entre deux béquilles, des hommes qui n’ont plus de main, plus d’yeux, quelque chose en nous s’est dressé, criant « Assez ! » (…)
Parce que, nous l’avons bien vu aux camps, aux rassemblements que nous avons eu en commun, rien, absolument rien ne nous sépare, l’amitié naît entre des français, des autrichiens, des belges, des italiens…
Alors nous nous sommes engagés dans cette bataille contre ceux qui veulent faire germer entre nous la défiance et la haine ; alors seulement avec notre sourire et nos mains ouvertes et le peu que nous possédons, un cœur d’être humain libre et loyal, nous sommes allés les uns vers les autres, acceptant la même croix chargée du lys d’or…
Alors, Réformés, Catholiques, Orthodoxes, nous avons voulu seulement nous souvenir que le Christ est mort pour tous (…) et nous avons voulu voir dans l’autre un Chrétien total que Dieu a aimé. Et par-dessus les divisions des hommes nous avons, pour cela, voulu être Scouts d’Europe… »

Ces jeunes chefs ont également osé ajouter quelque chose de nouveau et d’important au texte de la promesse scoute : la fidélité à l’Europe. Trente ans avant son adoption par l’Union européenne, le drapeau aux douze étoiles dorées flottait dans tous les camps FSE. Les premiers Guides et Scouts d’Europe y virent également un symbole chrétien : les douze étoiles de la couronne de Marie telle que décrite dans l’Apocalypse.

Dans ses premières années d’existence, la Fédération comprend des groupes scouts en Allemagne, France, Angleterre et Belgique. Numériquement, la F.S.E. est petite mais elle réalise de nombreux échanges internationaux : son esprit européen et les contacts européens qu’elle met en œuvre dans ses unités sont ce qui la distingue des autres associations scoutes existant à l’époque. Elle multiplie les visites, rencontres, jumelages, camps communs. Sur la revue française Passat, destinée aux éclaireurs et aux éclaireuses, on peut lire : “Le camp d’été est surtout l’occasion de mieux connaître l’Europe et nos frères scouts. Une troupe ou une compagnie ne fait JAMAIS son camp d’été seule mais toujours avec des garçons ou des filles d’un autre pays”.

Dans cette ligne, la FSE organise des « camps fédéraux », ou « Jamborette ». En 1959 a lieu à Wasserfal, en Allemagne, le premier camp fédéral avec environ 150 participants allemands, français et belges. L’année suivante, un deuxième camp fédéral se tient à Saint-Loup de Naud, près de Provins, dans la région parisienne, avec 200 participants allemands, français, belges auxquels s’ajoutent les Anglais entrés depuis peu à la FSE. En 1962, un troisième camp fédéral à Botassart en Belgique réunit 250 éclaireurs et éclaireuses. En 1964, un quatrième camp a lieu à Marburg (Allemagne), avec la participation de 400 éclaireurs et éclaireuses. Un autre a lieu à Kergonan en Bretagne (France) en 1968.

En 1962, Périg Géraud-Keraod et son épouse Lizig rejoignent l’association française. En quelques années, ils transmettent au mouvement un esprit spécifique et un dynamisme vivant, en un mot, une âme. Ils sont Commissaires généraux de l’association française pendant près de 25 ans. Ils sont également responsables de la FSE au niveau européen. Grâce à leur action et malgré les difficultés extérieures, la FSE connaît un développement considérable en France et dans toute l’Europe. En 1986, lorsque le couple quitte ses fonctions, la FSE compte plus de 50 000 membres. C’est pourquoi on peut vraiment les considérer comme les véritables fondateurs de la FSE.

Perig Géraud (1915-1997) était éclaireur quand il était jeune. Pendant la Seconde Guerre mondiale, il prit une part active à la résistance et, après la guerre, il ajouta à son nom son pseudonyme breton de résistant : Keraod. Enfin, après la libération, il participa activement à la mission catholique bretonne à Paris.  

En octobre 1962, Pierre Géraud-Keraod (dit Perig en breton) et Lucienne (Lizig en breton), avec leurs 7 groupes de la “Communauté des Scouts Bleimor”, issue de la mission catholique bretonne, rejoignent la FSE.

Perig Géraud-Keraod donne une nouvelle impulsion à l’association française et la FSE entière. Il veut faire revivre le scoutisme catholique du père Sevin, en y intégrant un esprit et une dimension européenne. Grâce à l’action du couple, le Directoire religieux est révisé en mars 1963. Une grande partie de la charte du scoutisme catholique, promulguée par le Saint-Siège le 13 juin 1962, y est intégrée. À ce moment aussi, le cérémonial et l’uniforme sont définis et les premiers camps d’entraînement des chefs et des chefs de patrouille ont lieu. Le couple lance également un vaste travail de réflexion sur les principes du scoutisme, qui conduit en juin 1965 à la rédaction et à la signature par les associations fédérées de la « Charte des principes naturels et chrétiens du scoutisme européen ».

En 1974, l’association canadienne est fondée. En 1976, une association catholique est créée en Allemagne. Des associations sont également créées en Italie et au Luxembourg.

Afin de prendre en compte ces nouveaux développements et pour préparer l’avenir, la FSE installe son organisation sur des bases plus appropriées. Les lois fédérales sont mises à jour. Avec les nouveaux statuts fédéraux, le nom officiel est devenu celui qui est toujours valable aujourd’hui : « Union Internationale des Guides et Scouts d’Europe – Fédération du Scoutisme Européen ». À partir de ce moment, la FSE est ainsi devenue l’UIGSE-FSE.

En 1977, l’association allemande protestante et l’association suisse sont fondées, puis les associations espagnoles et portugaises en 1978. L’association autrichienne apparaît en 1981.

Le 12 mars 1980, le Conseil de l’Europe octroie à l’UIGSE-FSE le statut consultatif au sein de la Conférence des organisations internationales non-gouvernementales. Depuis, il est devenu un statut participatif. Le 9 novembre 1989, pendant la réunion du Conseil Fédéral qui se tient à Rome, arrive la nouvelle de la chute du mur de Berlin. A partir de ce moment, le développement de l’UIGSE-FSE commence à s’étendre au-delà du vieux “rideau de fer”. Le principal artisan de ce développement est le nouveau Commissaire fédéral, Gildas Dyèvre, fortement aidé par certaines associations, en particulier la France, l’Italie, l’Allemagne et la Belgique.

Pendant 50 ans, le communisme a travaillé vigoureusement et avec acharnement pour éradiquer par tous les moyens la foi de la vie des populations de l’Europe Centrale et Orientale. Mais il a échoué et l’UIGSE-FSE reçoit de nombreux pays des demandes d’information et d’aide de la part de personnes désireuses de connaître le scoutisme chrétien pour pouvoir agir à travers lui pour l’évangélisation et l’apostolat auprès des jeunes. Ceci aboutit à la naissance de nouvelles associations scoutes qui adhèrent à l’UIGSE-FSE : la Hongrie en 1990, la Roumanie en 1991 et la Lituanie en 1992. En Pologne, l’association de scouts catholiques ZAWISZA, créée clandestinement en 1982, rejoint l’UIGSE-FSE en 1995. Les années suivantes, de nouveaux groupes se créent en Albanie, en Bulgarie, en Biélorussie, en Lettonie, en République tchèque, en Slovaquie et en Ukraine. En 2003, l’association russe ORIOUR est admise en tant qu‘ « observateur ».

L’UIGSE compte aujourd’hui plus de 67 000 membres dans une vingtaine de pays européens, mais s’étend aussi au Canada, USA, Mexique et Argentine.

Père Jacques Sevin (France)

Professeur Jean Corbisier (Belgique)

Comte Mario di Carpegna (Italie)

Lord Robert Baden-Powell (Angleterre)